Séchoir en grange : un investissement pour l'avenir
Le 27 novembre, Segrafo a organisé un après-midi au Gaec Au Fil de Lo, à Saint-Germain-de-la-Coudre (61), afin de présenter le nouveau séchoir en grange auto-construit par le couple d'éleveurs : Léo Lechevalier et Philippine Dodin. Une cinquantaine de visiteurs - élèves du lycée agricole d'Alençon-Sées, éleveurs bios et conventionnels - sont venus découvrir un outil pensé pour l'autonomie et la réduction du coût alimentaire.
Léo Lechevalier et Philippine Dodin, installés hors cadre familial sur une ferme en agriculture biologique en 2020, ont rapidement troqué le système initial basé sur le maïs ensilage pour un système tout herbe. Après une courte transition durant laquelle la ration des vaches était en partie basée sur l'ensilage d'herbe et un peu de maïs, le couple s'est tourné vers le séchoir en grange pour produire un fourrage non-fermenté qui serait la base de l'alimentation du troupeau. Le bâtiment monté en auto-construction "représente un investissement non-négligeable, en plus de celui pour nous installer, mais c'est pour toute notre carrière", tempèrent-ils. Avec une annuité s'élevant à 19 859 €, sa rentabilité repose sur un coût alimentaire minime et un système globalement très économe. "Le confort de travail est vraiment incomparable", affirme Philippine.
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Autonomie et qualité
"Avant de penser séchoir, il faut penser pâturage", introduit Léo en s'adressant aux élèves du lycée agricole d'Alençon-Sées. Au Gaec Au Fil de Lo, Philippine et Léo conduisent 120 UGB en autonomie alimentaire, avec cinq coupes annuelles sur 40 ha de prairies temporaires multi- espèces. Dans ce système essentiellement basé sur l'herbe, le séchoir (trois cases de 140 m2 dotées de ventilateur à variateur de fréquence) est la pièce maîtresse qui permet d'optimiser la qualité du fourrage. "Faire du foin avec un séchoir c'est différent que d'en faire en bottes : on attaque le chantier plus tôt et comme l'herbe sèche moins au champ, on garde toutes les feuilles. La valeur alimentaire du foin est donc préservée", souligne Philippine. L'objectif est de rentrer de l'herbe partiellement séchée au champ, de sorte à atteindre 60-70 % de MS (Matière sèche). "Si on attend trop et que l'herbe dépasse ce pourcentage, on perd en UFL (Unité de fourrage laitier) et en PDI (Protéines digestibles dans l'intestin). Et si c'est trop humide, ça forme des agrégats difficiles à sécher", témoigne Léo. Finalement, entre le champ et le séchoir, 3 350 litres d'eau par tonne - 2 900 litres au champ et 450 litres par le biais du séchoir - s'évaporent avant d'arriver à l'auge.
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Une ration tout herbe
Le troupeau reçoit quotidiennement 17 kg de foin/VL, complétés par un mélange d'épeautre et de féveroles cultivées sur la ferme. Avec la disparition du maïs (très coûteux en bio) dans la ration, le séchoir garantit un bon substitut alimentaire doté d'une qualité globale incomparable au foin classique en balles. "Il faut tout de même tenir compte de la variabilité des coupes : les premières sont souvent plus fibreuses tandis que les dernières sont plus azotées. Dans ce système, le coût alimentaire s'élève à moins de 40 €/1 000 l. C'est grâce au foin du séchoir qu'on maintient une bonne productivité malgré une alimentation basée sur l'herbe", assure Philippine.
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Un investissement long terme
Le montage du bâtiment a été majoritairement auto-construit avec l'aide de l'apprenti de Philippine et Léo, Joseph, les anciens exploitants, Gilles, Hélène et Claude et l'appui du groupement d'employeurs. "On a économisé environ 150 000 €, estime le couple. Ça nous a demandé beaucoup d'énergie et de temps, mais aujourd'hui on s'y retrouve." Concernant les charges d'électricité, elles "ont triplé ou quadruplé", mais sont compensées par la baisse drastique de la consommation de fioul et la diminution des charges de mécanisation : seul le tracteur rabot tourne toute l'année. Au total, le séchoir peut stocker 300 tonnes de foin. "Avec cette quantité on est confort mais cette année avec nos 250 tonnes on va être tout juste bien", précise Léo. "L'herbe, c'est du fourrage qui ne coûte pas cher", conclut Philippine. Avec un séchoir bien dimensionné, un système pâturant intensifié et un raisonnement économique précis et maitrisé, le Gaec Au Fil de Lo prouve qu'un tel investissement se résonne sur le long terme et peut permettre une bonne rentabilité en élevage laitier.
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Le coût détaillé du séchoir
Étude Segrafo : 3 000 €
Terrassement : 25 000 €
Bâtiment + bardages (auto-construction) : 200 000 €
Aménagement intérieur : 60 000 €
Griffe : 66 000 €
Ventilation-pilotage : 39 000 €
Quincaillerie et divers : 8 500 €
Total : 401 500 € - Subventions : 170 000 €
Reste à charge : 231 500 €