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Stéphane Travert (ministre de l’Agriculture) : « notre modèle agricole doit redevenir leader en Europe »

Du Salon aux Champs le 31 août à Lisieux (14) à la Fête de l’Agriculture et de la Ruralité à St-Sauveur-Lendelin (50) le 3 septembre, Stéphane Travert laboure le terrain de la proximité. Demain, il sera à la Foire de Lessay (50) et dimanche à Compiègne (60) pour Terres de Jim. Il est également annoncé au Space à Rennes et au Festival de l’Elevage à Clermont-Ferrand (63). Rencontre avec le ministre de l’Agriculture qui affirme que «notre modèle agricole doit redevenir leader en Europe».

© JP

>> Le 2 mai dernier, alors candidat aux élections législatives, vous passiez avec vos comparses d’En Marche «un grand oral agricole» devant les élus professionnels de la Manche. Qu’avez-vous pensé de cet exercice ?
J’ai trouvé que c’était un bel exercice démocratique. Lorsqu’il y a une élection législative, qu’on va élire celles et ceux qui seront les représentants de la nation et qui vont voter les lois, c’est une excellente idée que d’inviter les différents candidats par famille politique pour qu’ils expriment leur vision de
l’agriculture pour le prochain mandat. Ce rendez-vous a été sympathique. Les échanges ont été cordiaux mais ils ont été aussi techniques parce qu’il peut y avoir des désaccords sur la volonté qui nous anime ou sur un point particulier et précis. J’en retiens essentiellement qu’il s’agit là d’un bon exercice démocratique à refaire de temps en temps pour évaluer aussi les politiques. Je crois à l’échange et je crois à la discussion et à l’entente. 

>> Quelques jours plus tard, vous étiez réélu député. Vous vous saviez «ministrable» ?
Je savais que je faisais partie de ceux qui pouvaient devenir secrétaire d’Etat ou ministre sans savoir à quelle fonction d’autant que je n’avais jamais évoqué cette question avec Emmanuel Macron. Mais, ce que je sais, c’est que quand j’ai été réélu député, mon premier sentiment a été de me dire que nous avions réussi quelque chose d’important. Cette aventure collective qu’a constituée la campagne présidentielle a été une aventure humaine là aussi extraordinaire. Ma réélection à la députation a été le prolongement de l’action que j’ai menée avec toutes celles et de tous ceux qui ont accompagné Emmanuel  Macron sur ce chemin de conviction en direction des Français. Nous étions très peu au tout début. Et c’est aussi pourquoi j’ai ressenti une grande fierté au moment de ma réélection : un Président de la République élu, un gouvernement  nommé, une majorité avec un groupe parlementaire au service du Président de la République. Et moi, je m’apprêtais à m’inscrire dans cette logique.


>> Avec, in fine, l’Agriculture ?
Le Président de la République m’a fait un immense honneur en me proposant de me nommer ministre de l’Agricuture, de l’Alimentation, mais aussi de la Forêt, de la Pêche, de l’Ostréiculture. Des secteurs qui  sont essentiels à notre économie. Je viens d’un territoire où l’agriculture compte énormément. Où la ruralité en action est un engagement de tous les jours pour nombre de nos concitoyens... Muni de mon expérience et des engagements du Président de la République, j’ai accepté cette mission que j’ai prise à bras-le-corps. Accepté de m’y consacrer pleinement, durablement pour faire en sorte de porter une belle ambition pour notre agriculture du XXIe siècle.

>> Existe-t-il une méthode de travail «Travert» ?
Je ne sais pas si c’est une méthode «Travert» mais ma manière de travailler repose sur le respect de mes interlocuteurs. Respect de celles et ceux qui ne pensent pas forcément comme moi avec une volonté de dialogue et de co-construction des politiques publiques. Ça, je crois que c’est quelque chose de nouveau. Il ne faut pas s’enfermer dans des dogmes et des postures. Je ne veux pas opposer les modèles agricoles les uns aux au-tres. Chacun, dans son territoire et fort de ses convictions, doit porter le modèle agricole qu’il a choisi. Ensuite, il faut veiller à ce que ces modèles agricoles affichent de la cohérence, qu’ils puissent coexister les uns à côté des autres en trouvant les marchés disponibles et tout en créant de la richesse, de l’emploi, de la valeur ajoutée... Cette méthode, c’est celle de la concertation, la logique du compromis ferme et pas d’un consensus que l’on pourrait considérer comme «mou». Un véritable compromis bâti sur la confiance et des relations fortes entre les différents acteurs.

>> C’est du «macronisme» ?
C’est la touche «macronienne» si l’on veut. C’est-à-dire qu’il ne faut pas méconnaître le fait qu’il y a des gens qui ne pensent pas comme nous. Il faut mobiliser les progressistes des deux rives de manière à pouvoir échanger avec eux et construire, toujours avec eux, quelque chose de durable. Il ne faut pas laisser ceux qui ne veulent rien réformer imposer leurs vues. Il ne faut pas donner crédit à ceux qui pensent que la réforme est toujours valable mais seulement pour les autres. Ce que je veux, c’est pouvoir réformer, transformer notre agriculture pour qu’elle soit plus performante, plus compétitive mais en le faisant dans la concertation sans que personne ne soit laissé au bord du chemin. 

>> Les EGA (Etats Généraux de l’Alimentation) ont démarré. Qu’en attendez-vous ?
J’en attends beaucoup et j’en espère tout autant. Les EGA sont là pour créer ce dialogue constructif qui a manqué tant de fois entre les différents interlocuteurs, entre les différentes filières, entre la production, la distribution et la transformation. Les questions auxquelles nous devons répondre collectivement sont désormais acceptées par tous. Comment mieux répartir la valeur ? Comment la créer ? Cette valeur que « la ferme France » a perdue notamment à cause d’une course aux prix toujours plus bas. Et l’on ne peut s’empêcher de s’interroger sur le lien de cause à effet avec certaines crises sanitaires, des crises qui affectent la confiance du consommateur vis-à-vis des produits ou des filières... Aujourd’hui, nous avons besoin de ramener de la confiance. Nous avons besoin de retrouver du sens . Nous avons besoin de trouver ensemble les solutions concrètes qui permettront aux agriculteurs de pouvoir vivre dignement de leurs productions.

>> Quel modèle d’agriculture défendez-vous ?
Une agriculture française portée par l’innovation avec des jeunes qui investissent et s’installent. Le modèle agricole français est connu et reconnu dans le monde entier. Nous voulons encore disposer, demain, d’une agriculture qui puisse continuer à entretenir notre territoire, mettre en valeur nos paysages. Une agriculture au service encore une fois de l’innovation, au service de l’économie, au service de l’emploi, au service de la formation...
Et puis, point principal, nous constatons depuis longtemps que les agriculteurs ne vivent plus correctement de leur travail. Ils se lèvent tôt, travaillent dur pour gagner peu. Comment inverser cette tendance ? Comment faire en sorte que demain, un jeune qui souhaite exercer cette profession, puisse décemment gagner sa vie avec suffisamment de revenu pour nourrir sa famille, accéder à une vie culturelle et de loisirs afin de s’épanouir totalement dans son parcours et son cheminement.
Les EGA ne doivent pas, ne peuvent pas, être une grande messe supplémentaire. Car le diagnostic est posé, les constats, nous les connaissons. Ce dont nous avons besoin aujourd’hui, c’est de nous mettre d’accord, trouver de vraies solutions pour que cette création de valeur ajoutée se fasse aussi au profit des producteurs. Chacun devra prendre ses responsabilités. L’Etat prendra les siennes et assumera pleinement ses missions, notamment de régulateur.

>> La PAC est en refonte. Quelles orientations souhaitez-vous lui insuffler ?
Il est trop tôt pour donner des éléments qui permettraient de dire quelles orientations nous souhaitons suivre. Nous avons d’abord besoin de crédibilité pour la défendre. Qu’est-ce que cela signifie ? Tout d’abord le respect des 3 % de déficit budgétaire en France pour montrer à la Commission européenne comment nous allons travailler. Nous voulons une PAC forte et ambitieuse mais une PAC qui protège, une PAC avec des filets de sécurité. Pour cela, nous avons besoin de trouver aussi des alliés. C’est le travail que je mène avec tous mes partenaires. Je me rends ce soir (ndrl : le 4 septembre) en Estonie pour participer à un conseil agricole informel... C’est tout cela que nous avons à faire. Apprendre à connaître nos partenaires, c’est travailler avec eux pour construire des accords durables. Il nous faut construire une relation forte avec les pays membres de l’Union et faire en sorte que cette entente entre les états membres nous permette d’aboutir à une nouvelle PAC forte, protectrice, performante. La France est une grande nation agricole, elle doit redevenir leader en Europe.

>> L’été a été marqué par l’affaire des œufs au Fipronil. Des produits transformés, sans risque pour la santé humaine, ont été retirés des linéaires. Ne vit-on pas dans une société de gaspillage, d’abondance, de trop de précaution ?
Nous avons un travail à faire sur le gaspillage alimentaire, c’est une question de citoyenneté à l’heure où  nombre de nos concitoyens, d’hommes et de femmes dans le monde, ne mangent pas à leur faim. Nous vivons dans une société où l’opulence, parfois alimentaire, est présente. Il faut toujours garder cela en tête et se donner les moyens de rendre accessible à tous une alimentation de qualité, toujours plus sûre plus durable à des prix accessibles. Cependant, cette crise des œufs contaminés au Fipronil, c’est avant tout une fraude, une fraude manifeste orchestrée par des entrepreneurs néerlandais aujourd’hui sous les verrous. Lorsque le 5 août, nous recevons l’alerte du réseau européenne RSAFF, nous nous mobilisons immédiatement. Mais c’est vrai, la Belgique avait été informée dès le 20 juillet. Ce délai montre qu’ au niveau des Etats membres et en pareil cas, nous devons être mieux informés. L’information doit mieux circuler pour que nous puissions réagir plus vite et sortir par le haut de telles situations. Notre priorité a été de pouvoir informer le consommateur le plus rapidement sur le risque. C’est pourquoi nous avons saisi l’Anses d’une évaluation du risque sanitaire qu’elle a considéré comme faible. Ce qui m’a permis de rassurer le consommateur, rassurer celles et ceux qui tous les jours sont des «consom’acteurs».
Dans le même temps, les services de l’Etat, ceux du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, en concertation efficace avec ceux de la concurrence et de la répression des fraudes dépendant du ministère des Finances, et en toute transparence, ont engagé des contrôles. Les opérateurs de la filière, en responsabilité, ont mené leurs propres auto-contrôles. A cet égard, je veux souligner la confiance que l’on peut avoir dans la filière œuf française et rappeler que c’est bien une fraude avec certainement en arrière plan cette course au prix bas qui est à l’origine de cette crise. Le travail a été considérable car il s’agissait de  tracer d’où venaient ces ovoproduits. Dans quels établissements ils avaient été transformés pour ensuite pouvoir retirer les produits finis de la vente. Enfin, il fallait aussi éviter de stigmatiser les entreprises de la filière française qui respectent les règles. Une filière qui, je le rappelle, est la première filière en Europe productrice d’œufs et d’ovoproduits.
Les enseignements de cette crise seront aussi au cœur de nos discussions à Tallinn (ndrl : capitale de l’Estonie). Nous allons mettre ce dossier du Fipronil sur la table et regarder quelles décisions nous pouvons, nous devons, prendre collectivement. Les discussions se poursuivront lors d’une prochaine réunion à Bruxelles le 26 septembre.

>> A combien de générations faut-il remonter pour trouver un paysan dans la famille Travert ?
Je n’ai pas, directement et actuellement dans ma famille, de personnes exerçant le métier d’agriculteur mais il y en a beaucoup du côté de ma femme. Cependant, mes grands-parents étaient des journaliers agricoles travaillant dans des laiteries et des fermes à côté.
Mais ce n’est pas une affaire de génération. Ai-je vraiment besoin d’être entrepreneur agricole pour porter aujourd’hui les dossiers de l’agriculture ?
Non, je ne le crois pas. Nous avons besoin de pragmatisme, de bon sens mais aussi de travailler sur les dossiers... Et, parce que l’on travaille, parce que l’on échange, parce que l’on fréquente assidument les territoires agricoles, et bien, on en apprend tous les jours et tous les jours on s’enrichit.

>> Vous étiez jeudi dernier à Lisieux (14) pour le Salon aux Champs. Aujourd’hui (ndrl : dimanche 3 septembre) à St-Sauveur-Lendelin (50) pour la fête de la ruralité organisée par JA 50. Vendredi 8 septembre, vous serez à la foire de Lessay (50)... C’est important pour vous de labourer ce terrain de proximité ?
Oui, c’est important. Etre ministre de l’Agriculture, c’est être à Paris au ministère pour diriger une belle administration qui fait du bon travail mais c’est aussi être sur le terrain. Aujourd’hui, je suis ici parce que c’est le territoire qui m’a élu, c’est le territoire où je vis. C’est important de rester très connecté à son territoire d’attache.
Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient. C’est important d’aller dans les grands rendez-vous agricoles et il y en a beaucoup en Normandie mais je serai aussi présent à Compiègne (60) ce week-end pour Terres de Jim. J’irai au Festival de l’Elevage à Cournon (63) et au SPACE à Rennes (35). Le ministre de l’Agriculture doit être sur le terrain parce que c’est là où l’on peut évaluer les politiques publiques.

>> Quel est votre cidre préféré ?
Je dirai par pur chauvinisme les cidres du Cotentin. Au-delà, je suis un promoteur des produits cidricoles. C’est une économie importante pour notre territoire même si nous avons encore des marges de progression importantes pour faire en sorte que nous puissions vendre et exporter de façon encore plus importante les produits cidricoles. Je suis de près cette filière chère à La Normandie et à la Bretagne mais aussi au Pays Basque, au Massif Central... Il y a là matière à travailler et je puis vous assurer, qu’au ministère de l’Agriculture, les produits cidricoles ont toute leur place sur la table.

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