Sylvain Delye ( FDSEA 61) : Le drainage est une pratique ancestrale
Sylvain Delye siège au comité de travail mis en place par l'administration sur la problématique des drainages. La FDSEA 61 ne cautionne pas le durcissement des autorisations. Mais participe à cette réflexion pour limiter les impacts. Des possibilités existent pour assouplir le classement de certaines zones humides. Cependant, la démarche sera longue. Il faut compter deux à trois ans. En attendant, de nombreux dossiers resteront en suspens.

La loi sur l'eau date de 2009, pourquoi se mobiliser aujourd'hui sur la problématique du drainage ?
Plusieurs textes et circulaires se superposent. Jusqu'en janvier 2014, le contrôle n'était pas systématique. Seules les terres indiquées en zone humide sur la carte de la DREAL étaient contrôlées. C'est une première différence. Ensuite, la loi s'appuyait sur un double critère pour classer les parcelles en zone humide. On devait trouver des traces d'oxydation dans le sol et que la flore soit caractéristique des zones humides.
Sur le terrain, le classement ne semble pas compris...
Il y a plus de terres concernées. Visuellement, certaines terres ne semblent pas en zone humide. Elles sont classées suite à un carottage. Nous voyons aussi des parcelles proches d'un marais. Ces deux cas se retrouvent sous le même dénominateur "zone humide". Il n'y a aucune hiérarchie ni notion de fonctionnalité de la zone humide. Par exemple : engendre-t-elle un écosystème de zone humide ?
Sur le Calvados et la Manche, les agriculteurs ne semblent pas rencontrer autant de difficultés par rapport au drainage. Ces soucis sont-ils uniquement ornais ?
Si la réglementation avait été appliquée de la même manière sur la France entière, le tollé aurait été général. Des territoires ont été privilégiés. La loi a été exécutée de manière plus dure. Dans d'autres secteurs, l'administration ferme les yeux. L'Orne a le défaut d'être en tête de bassin. Nous avons les sources des rivières avec un chevelu, à savoir des petits cours d'eau, très développé. Il s'agit des arguments de l'administration, la FDSEA 61 ne les cautionne pas. Pour les pouvoirs publics, il s'agit donc d'un enjeu majeur de la pureté de la ressource en eau. Les départements du Massif central sont dans le même cas que nous. Il y a une inégalité des agriculteurs face à la loi. On pourrait la comprendre seulement si nous avions une compensation financière. 60 % des demandes de drainage ont donc été rejetés en 2014.
La Direction départementale des territoires de l'Orne a cependant mis en place un comité de travail sur ce sujet. Vous y siégez. Que faut-il en attendre ?
Quand la profession s'est rendu compte des effets de la réglementation, elle a interpellé le ministère de l'Agriculture. Une dérogation est possible. L'administration joue quand même le jeu en mettant en place ce comité de travail. Avec une procédure assez longue, on peut limiter le classement de terres en zones humides. Ces terres seraient quand même considérées comme des zones humides, mais sans intérêt écologique. La démarche doit être scientifique et être cosignée par le préfet de région. La procédure est lourde. Elle nécessite deux à trois ans. La FDSEA 61 s'investit pour réduire ces délais. La patience des agriculteurs a des limites.
Comment justifiez-vous le drainage ?
Je m'appuie sur la réalité du terrain. Chez nous, nous ne drainons pas en plaine, mais dans des terres moyennes voire difficiles. Il ne faut pas oublier que le drainage est une pratique ancestrale. Nous avons des drains en poterie. On a toujours lutté pour assainir ses parcelles.
Les écologistes s'appuient sur des chiffres de disparition des zones humides...
On ne connaît pas exactement les zones humides actuelles. Les chiffres sont fantaisistes. Il n'existe pas de cartographie sérieuse. Hélas, les contraintes imposées aux agriculteurs ne sont pas aussi approximatives.