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Trente ans de combat réduits dans une convention de trois ans

Marinette Desseroit est maraîchère à Caen. Elle est la dernière à travailler sous un statut agricole dans la ville. Sur 5 ha, 4 appartiennent au Département. Le bail rural arrive à terme en novembre. Le Calvados propose une convention de trois ans.

Marinette Desseroit ne compte plus les heures passées pour garder son outil de travail. À 60 ans, elle ne lâche rien. DR
Marinette Desseroit ne compte plus les heures passées pour garder son outil de travail. À 60 ans, elle ne lâche rien. DR
© JP

llll C’est l’histoire d’un couple d’irréductibles maraîchers. D’un homme et d’une femme, derniers cultivateurs en ville. À Caen. Michel Desseroit est retraité. Mais sa femme, Marinette, continue d’exploiter 5 ha, juste derrière le zénith.

Les huissiers aux fesses
« Nous nous sommes installés en 1980. Nous avions 1 ha dans Caen, le reste se situait dans la plaine, à Bieville et Colleville. Nous cultivions une vingtaine d’hectares », se souvient Marinette Desseroit. Le couple emploie, à l’époque, du personnel. « Nous avons tenu une année. La route, les charges salariales et le manque de débouchés ont fait que nous nous sommes ramassés. Nous avons licencié tout le monde et gardé un seul hectare. » Lui retourne travailler à l’extérieur, comme chauffeur livreur au marché de gros. Pas le choix car le couple a « tous les huissiers de Caen aux fesses ». Elle trouve un emploi à mi-temps comme caissière au marché de gros.
La MSA et le zénith sont construits
Un enfant, deux, trois puis quatre. Marinette continue de cultiver seule, à mi-temps, l’hectare restant. « Un voisin nous a loué 4 ha attenants. » Michel est licencié, et ça tombe bien. Les époux reprennent en tant que maraîchers, sur 5 ha, au début des années 1990. « Nous vendions aux centrales d’achat de Super U et Logidis (Carrefour). »
À la fin de la décennie, M. Labbé, propriétaire des 4 ha, met en vente. « Il possédait aussi les terres maraîchères où ont été construits la MSA et le zénith. »
C’est là que le Conseil général de l’époque entre en jeu. Et achète les 4 ha. « Nous avons formulé une offre, via un notaire, identique à celle du Département. Nous avons reçu, de la part du Conseil général, un courrier d’abandon de préemption. Nous ne l’avons jamais signé. » Les terres qu’exploitent les Desseroit se situent en zone humide et sont classées espaces naturels sensibles. La priorité va au Département.
Une année passe. « Un jour, nous avons de nouveau reçu un courrier nous demandant notre relevé d’identité bancaire (RIB), dans le but de nous verser une prime d’éviction de 20 000 €. Nous avions alors trois mois pour partir. » Les époux contactent un avocat afin de conserver leur outil de travail.

Un bail rural mais un seul
Michel et Marinette Desseroit obtiennent la signature d’un bail. « Le Département voulait lui faire prendre fin lors du départ à la retraite de Michel. Mais nous avons négocié sa prolongation jusqu’à ce que j’arrive à l’âge légal de départ. J’ai sept ans de plus que lui. » Nous sommes en l’an 2000. Le bail rural court sur dix-huit ans. Il arrive donc à terme en novembre.
En novembre 2017, les Desseroit reçoivent un courrier du Conseil départemental, dénonçant le bail dans les règles, dix-huit mois avant la fin du contrat. « Le Département nous propose de le remplacer par une convention de trois ans. » Une partie des 4 ha est déjà en herbe, mais Michel et Marinette Desseroit craignent que les élus conditionnent le renouvellement de la convention par l’augmentation de la surface en herbe, voire un passage en bio. « La terre ici a toujours été maraîchère. Elle est légère, riche, sans cailloux. Nous aimerions qu’elle soit reprise par un maraîcher. Nous avons proposé de planter un verger, le Département refuse. Nous ne sommes pas contre une conversion en bio, mais cela implique de s’équiper, d’investir. » Et à l’horizon de trois ans, la question de rentabilité se pose.

Pas envie d’arrêter
« Quand nous avons signé le bail en 2000, il stipulait que nous ne pouvions pas le transmettre à nos enfants. Aucun d’entre eux ne veut reprendre. J’aimerais transmettre les outils et les terres à un jeune ou un maraîcher installé en périphérie. Mon mari connaît des exploitants qui rencontrent des difficultés à trouver des terres, et qui sont intéressés pour reprendre les nôtres. » La question de la transmission, à l’horizon de trois ans, risque d’être compliquée. Marinette a récemment acheté un tracteur et compte sept ans pour l’amortir. « Nous ne nous résignons pas. J’ai 60 ans, mais je ne suis pas prête d’arrêter. Je ne me sens pas vieille et je n’ai pas envie d’une retraite à 900 €. » L’histoire du pot de fer contre le pot de terre…

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