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Un Manchois en Amérique

C’est l’une des courses hippiques les plus prestigieuses, le Prix d’Amérique, championnat du monde des trotteurs se déroulera comme chaque année à Vincennes, le 28 janvier. Parmi les prétendants au titre le célèbre Bold Eagle ; qui remettra son trophée en jeu, mais aussi Valko Jenilat, un petit cheval noir né dans la Manche, chez des agriculteurs, Vincent et Laetitia Hautemanière.

Vincent, Laetitia et leurs deux filles, Inès et Bérénice seront bien sûr à Vincennes pour soutenir leur protégé. Ils posent ici avec Perle du Roc, la poulinière de Laetitia et la mère de Valko Jenilat. DR
Vincent, Laetitia et leurs deux filles, Inès et Bérénice seront bien sûr à Vincennes pour soutenir leur protégé. Ils posent ici avec Perle du Roc, la poulinière de Laetitia et la mère de Valko Jenilat. DR
© SL

L’herbe est verte, le lieu majestueux. À la Pernelle, au Manoir d’Ourville, (un domaine familial depuis trois ou quatre générations), deux élevages de trotteurs s’affrontent gentiment au milieu d’un troupeau de 70 vaches laitières. Celui de Vincent Hautemanière, l’élevage d’Ourville. Et celui de Laetitia, sa femme, l’élevage de Jenilat (JE pour Jean, le nom de son papa, Ni pour Nicole, sa maman, et Lat comme Laetitia). Aujourd’hui, c’est ce dernier qui brille grâce à Valko Jenilat, un fils de Kepler et de Perle du Roc (par Éclair de Vandel), la petite jument de madame. « Je l’avais acheté en 2007 pour courir, mais après quelques performances, elle a baissé le pied. J’ai donc décidé de la mettre en poulinière… » Un conseil de croisement plus tard, voilà un petit mâle noir qui pointe son nez à La Pernelle. Comme tous les chevaux du lieu, il n’y restera pas très longtemps. « C’est la logique de la rentabilité, nous n’avons pas moyen de les garder et de les exploiter », explique Vincent. Valko Jenilat est donc vendu à 18 mois à Sébastien Guarato. Selon Laetitia, « il a eu un coup de cœur quand il l’a vu ». L’entraîneur ne s’y est pas trompé, il faut dire qu’il est reconnu dans le milieu. Parmi ses protégés, il compte également, un double vainqueur du Prix d’Amérique : Bold Eagle.

Telle mère, tel fils
Mais la vie de Valko n’a pas été sans embûche. « Valko est comme sa mère, une force de la nature », affirme fièrement Laetitia. Et il a fallu qu’il use de tout son courage pour parvenir à se qualifier ce dimanche 28 janvier aux plus grands rendez-vous de Vincennes. Des premières courses, où le cheval se mettait toujours à la faute, aux victoires prometteuses ou aux disqualifications décourageantes, il y a une fêlure du genou, la maladie de lime contractée, des mois de convalescence… et puis enfin, ce retour gagnant en 2016, et ses nombreuses victoires en 2017. À 9 ans, le cheval court son premier Grand Prix d’Amérique. « Une belle récompense, et une grande aventure pour nous » ,s’accordent à dire Laetitia et Vincent. Un bus partira de Quettehou pour Vincennes chargés de supporters, et de la famille… Tous porteront les couleurs de Valko Jenilat évidemment !
Des porte-drapeaux, l’élevage de Vincent et Laetitia en a plusieurs. Annibal d’Ourville, Balina d’Ourville, Blues d’Ourville, Darling d’Ourville, Extasy d’Ourville… ont tous été de bons vainqueurs. « Nous avons un taux de qualification de 50 % », détaille Vincent.

Les chevaux remplacent les navets
Un résultat dans la moyenne pour cet élevage créé en 2002. « Je me suis installé le 1er février 2000 », explique Vincent. « Avec mes parents en Gaec, et le salarié, Fabrice Trillest, nous nous occupions d’une cinquantaine de vaches laitières et d’une culture de navets qui comptait 6 ou 7 personnes à l’année. » Vincent se passionne, lui, pour la génétique bovine. « En vendant ma première mobylette, à 16 ans, j’ai acheté mes premiers embryons bovins. Vous voyez c’est une passion qui remonte à plusieurs années », explique l’homme aujourd’hui âgé d’une quarantaine d’années. Il s’investit vraiment dans le domaine, mais essuie de nombreuses désillusions en concours, avec les coopératives... « Le monde de l’élevage laitier est dur. Il ne permet plus de vivre décemment. »
Vincent opte alors pour l’élevage de trotteurs, abandonne les navets progressivement (en 2010), mais garde son troupeau de Normandes. Il achète sa première jument en 2002. Elle lui donne un premier poulain « pas terrible ». Mais il a attrapé le virus et adapte ses connaissances en génétiques bovines à l’élevage équin. Très vite, l’élevage compte 3,5, 10, 15, 20 et même jusqu’à 28 poulinières. Il mise sur la génétique évidemment. Celle de la mère, particulièrement. Il investit. Beaucoup. « Je suis joueur, passionné et donc un peu fou… », résume-t-il. Après plusieurs années de galère, quelques victoires de courses viennent conforter ses choix. « Quand les résultats n’étaient pas au rendez-vous, certains assuraient que c’est parce que les chevaux étaient mal élevés (= mal nourris). Aujourd’hui que nous en avons davantage, les mêmes nous félicitent de si bien nourrir les poulains… Mais nous n’avons rien changé ! Les chevaux sont au maximum dehors (de fin février à novembre) avec des granulés et du foin achetés l’hiver. »
Dans le milieu équin non plus, on ne lui a pas fait de cadeau. Mais avec son sens de la communication, des affaires, et son devoir de rentabilité, Vincent a réussi progressivement à faire reconnaitre son élevage, à vendre ses produits, ou plutôt leurs produits. « Nous avons deux élevages, mais c’est une concurrence triviale entre nous ; au final, ce sont nos chevaux », explique le couple. Laetitia, elle, fait ça par loisir. Elle est infirmière et connaissait le monde des courses grâce à ses parents qui l’emmenaient sur les hippodromes. Passionnés de courses, ils vont aujourd’hui, encourager le protégé de leur fille. Ils seront bien sûr dans le bus. Valko a, lui, pour objectif d’être dans les 5 premiers de la course. Et s’il gagnait…  « On n’ose pas y penser et on ne l’a même pas envisagé, mais nous le fêterions dignement c’est certain ! Mais déjà, l’histoire est belle, très belle ». Souhaitons qu’elle continue ! « Sinon, nous continuerons avec nos vaches et nos chevaux, au jour le jour comme nous l’avons toujours fait », relativise Vincent.  

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