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Un système polyculture-élevage en démarche d’économie en pesticides

Installé depuis 2007 sur une ferme en polyculture-élevage dans le bocage ornais, Romain Enée chemine vers un système d’exploitation économe en pesticides, en cultivant l’autonomie alimentaire comme décisionnelle, avec la volonté de vivre de son métier tout en répondant aux attentes environnementales, sociétales et en satisfaisant aux exigences du cahier des charges AOP camembert au lait cru.

Originaire de la Plaine de Caen, mais néanmoins attiré par l’élevage, Romain s’est interrogé sur ses pratiques dès les premières années de son installation sur la commune de Saint-Hilaire de Briouze. “La majorité de mes terres sont localisées sur le bassin versant de La Rouvre (320 km² - affluent de L’Orne), avec deux prises d’eau superficielles régulièrement hors normes en pesticides ayant nécessité de gros investissements dans la mise en place d’une usine de traitement. Sans oublier le Certiphyto qui a confirmé mes craintes sur l’impact des pesticides sur la santé et ma participation à une formation sur la culture intégrée qui m’a sensibilisée sur l’importance de la faune auxiliaire… Si on ajoute à cela tout ce que l’on peut entendre et lire dans les médias, ça fait réfléchir !”.

“L’autonomie, tant fourragère que décisionnelle, fait partie de mon objectif principal”

Alors qu’en 2009, 40 % de la SAU était encore dédiée aux cultures de vente (figure 1), notre jeune producteur laitier en AOP camembert au lait cru, en quête d’un système plus économe et autonome, a contractualisé la Mesure Agro-Environnementale Système Fourrager Econome en Intrants (MAE SFEI). L’année suivante, soucieux de travailler son autonomie décisionnelle, il a rejoint le groupe Civam local convaincu qu’une démarche collective grâce à des journées d’échanges et de formations contribuerait à faire évoluer son système et ses pratiques vers plus d’herbe, moins de maïs et d’intrants. “Il est important de retrouver le bon sens paysan, en sachant observer et bâtir ses propres schémas décisionnels pour s’affranchir des recettes toutes faites ou de ne pas sortir son pulvé alors que tous les voisins sont en action (zoom : l’observation sur colza pour réduire les insecticides). C’est en cela aussi que le groupe rassure”.

Une réduction progressive des pesticides

L’évolution actuelle dans la réduction progressive d’usage des pesticides est basée avant tout sur la recherche de cohérence à l’échelle du système d’exploitation. Cette cohérence s’est traduite par une ré-évaluation des objectifs agronomiques et des résultats attendus par les systèmes de cultures. Dans les faits, les premiers changements opérés par Romain ont consisté à :- intégrer de la pairie temporaire (RGH-TV) pour allonger la rotation et gagner en autonomie alimentaire ;- décaler les dates de semis, pratiquer les faux semis et détruire mécaniquement couverts végétaux et prairies pour contribuer à une meilleure gestion des adventices ;- baisser la densité de semis en céréales et colza associé au mélange variétal pour réduire l’usage des fongicides.“Aujourd’hui, mon travail est plus technique et pointu, basé sur davantage d’observations. Mon maître mot, c’est l’adaptation pédoclimatique, c'est-à-dire qu’il faut savoir attendre !”.Au travers des évolutions de pratiques culturales associées à la re-conception du système d’exploitation, Romain répond à un de ses objectifs : améliorer ses conditions de travail. “L’évolution de mon système d’exploitation me permet de mieux répartir le travail et de réduire les périodes de pointe”.

Le désherbage mécanique contre les adventices

Si l’on regarde plus précisément l’évolution de l’indice de fréquence de traitement (IFT) du système de culture étudié dans le cadre du dispositif Ecophyto DEPHY, à savoir une rotation initiale colza/blé/Cipan/maïs ensilé/blé qui évolue en colza/blé/ Cipan/maïs ensilé/blé/prairie graminées+légumineuses (3 ans)/maïs ens/blé (figure 2), on remarque que Romain a réduit de 52% le recours aux pesticides entre l’entrée dans le réseau et la récolte 2014. Sa réflexion a d’abord porté essentiellement sur les règles de décisions en faveur de la diminution d’usage ou la suppression des phytosanitaires hors herbicides, avec en fond de toile la gestion azotée. Actuellement, Il s’intéresse davantage aux herbicides en sachant que leur réduction passe par une combinaison de leviers pluriannuels (introduction de prairie dans la rotation, diversité culturale…) et annuels (date de semis, faux-semis…). “Suite à une démonstration de désherbage mécanique au printemps dernier, organisé par le groupe Ecophyto et le Civam de La Rouvre, un petit groupe d’agriculteurs de la Cuma s’est constitué pour acheter une herse étrille et une houe rotative”. Le recours au désherbage mécanique devrait l’aider à atteindre son objectif d’utiliser le moins possible d’herbicides. Pour gagner en autonomie protéique, poursuivre la réduction de ses coûts alimentaires et d’utilisation d’intrants, Romain prévoit également d’introduire à terme le lupin de printemps et le mélange céréalier. “Sans oublier, le perfectionnement dans la conduite et la gestion du système herbager pâturant source d’économies et d’autonomies et qui s’inscrit dans la logique de production en AOP camembert au lait cru”. Vous l’aurez compris, sur la ferme de Romain la diminution d’usage en pesticides passe avant tout par une meilleure autonomie décisionnelle, une réflexion menée à l’échelle du système d’exploitation et une évolution engagée pas à pas, dans la sérénité.

Zoom : l’observation sur colza pour réduire les insecticides

Romain a recours aux insecticides sur colza 2 années/3.

- Règle n° 1 : avoir un colza vigoureux (semis précoce).

- Règle n° 2 : observer quotidiennement durant les périodes critiques.

- Règle n° 3 : profiter des barrières naturelles (haies).

- Règle n° 4 : suivre les alertes du BSV et s’informer via internet pour fixer ses règles de décisions.

Son attention porte sur les altises et charançons de la tige.

Altise : “j’observe les dégâts occasionnés sur les plantes à l’automne, tant que la pousse va plus vite que la quantité de trous, je n’interviens pas”.

Charançon de la tige qui apparaît en sortie d’hiver et dont les dégâts sont préjudiciables au rendement, “j’utilise des bassines jaunes pour piéger et déclencher une intervention uniquement si je capture 2-3 individus par jour”.

Le charançon des siliques ne fait pas partie des insectes-ravageurs du colza pour Romain : “la perte de rendement est compensée par les siliques saines.”.

Les méligèthes sont considérées par Romain comme des pollinisateurs. “Elles sont présentes au printemps, à la floraison, leur traitement nuirait aux auxiliaires et aux abeilles et je n’aime pas traiter avec des insecticides à cette période”.

L’exploitation

- Localisation : Saint-Hilaire de Briouze (61)
- Ateliers/Productions : 45 VL. 280 000 litres produits/an en AOP camembert lait cru. 30 hectares en culture de vente.
- Main d’œuvre : 1,5 UTH.
- SAU : 105,5 ha.
- Caractéristiques : 1,2 UGB/ha de SFP. 20 ha accessibles au pâturage des VL. 27 ha à 6 km de PN. Le reste est morcelé sur 2-3 km.


Plus d’infos

FRCIVAM de Basse-Normandie -  2 place du 8 mai 1945 - 14500 Vire - Tél. : 02 31 68 80 58. Mail : frcivambn@yahoo.fr - Site : civambassenormandie.org

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