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Jean-Pierre Fontaine, Président de la SAFER de Basse-Normandie
Une campagne vivante avec des agriculteurs qui ont le moral

Une campagne vivante avec des agriculteurs qui ont le moral. Tel est le crédo de la SAFER de Basse-Normandie et de son président Jean-Pierre Fontaine. Car si aménagement foncier et protection de l’environnement sont l’affaire de tous, ce sont les exploitants agricoles qui sont aux premières loges. Depuis toujours et encore pour longtemps !

Jean-Pierre Fontaine et Hubert Séjourné (respectivement président et directeur de la SAFER de Basse-Normandie) : “on peut intervenir pour les petites collectivités sauf dans quelques cas. Le droit de préemption des SAFER ne peut en effet s’exercer que dans un cadre strictement agricole ou environnemental alors que les acquisitions amiables auxquelles nous procédons tous les jours peuvent permettre des aménagements de toute nature”.
Jean-Pierre Fontaine et Hubert Séjourné (respectivement président et directeur de la SAFER de Basse-Normandie) : “on peut intervenir pour les petites collectivités sauf dans quelques cas. Le droit de préemption des SAFER ne peut en effet s’exercer que dans un cadre strictement agricole ou environnemental alors que les acquisitions amiables auxquelles nous procédons tous les jours peuvent permettre des aménagements de toute nature”.
© TG


Vous accueillez des congressistes de toute la France. Quelle image souhaiteriez-vous qu’ils ramènent de notre région ?
L’image d’une région dynamique et qui n’a pas que son agriculture comme richesse. L’image dynamique également d’une SAFER de Basse-Normandie qui, grâce à ses hommes et sous l’impulsion de son directeur, fonctionne bien, est reconnue et respectée par les organisations professionnelles agricoles. Une image d’ouverture aussi parce que depuis que je suis président, nous avons réussi à faire entrer au capital des acteurs essentiels. Je pense au Conseil des Chevaux dans nos trois comités techniques. Les représentants de l’environnement sont là aussi au travers du Conservatoire fédératif des espaces naturels.
Citons également la Propriété agricole au titre d’administrateur et l’Etablissement foncier de Normandie. N’oublions pas que la SAFER favorise l’accession à la propriété quotidiennement.

Pourquoi cette volonté d’ouverture ?
Cela nous permet de débattre ensemble et d’enrichir la réflexion. Nous sommes arrivés par ce cheminement à un respect mutuel. On a parfois les mêmes intérêts et pas toujours les mêmes méthodes mais on se comprend.

Votre slogan : “une campagne vivante”, ça signifie quoi à vos yeux ?
Une campagne vivante, ce sont des communes rurales avec un maximum de vie. Ce qui suppose la mise en place de cartes communales et de PLU (Plan Local d’Urbanisme). Et même si je ne suis pas convaincu que le fait d’avoir des pavillons dortoirs dans nos communes soit synonyme de vitalité, force est de constater que nos lieux de vie attirent l’urbain normand mais aussi les parisiens et les anglais. Les anglais dans le Bocage et Pays d’Auge, les franciliens dans le Perche et le long de la côte.

Cette cohabitation entre rurbains et agriculture n’est pas toujours aisée à gérer ?
En dehors des conflits de voisinage auxquels la SAFER est parfois confrontée et qu’elle essaie de résoudre par la négociation, le problème de la diminution de l’espace agricole est largement posé. En cette fin d’année 2007, tout le monde a enfin compris que l’indépendance alimentaire n’était pas une évidence.Chacun s’accorde désormais à penser qu’il faut faire attention à nos territoires de production et que notre fonction doit être rémunérée à sa valeur. Un agriculteur qui emprunte 400 à 700 000 e doit pouvoir légitimement disposer d’un revenu de cadre. Pour conclure, on ne peut pas avoir une campagne vivante avec des agriculteurs qui n’ont pas le moral.

L’artificialisation de la SAU est une problématique récurrente. Votre analyse sur ce sujet ?
Pour maintenir autant que possible notre potentiel agricole et si l’on ne veut pas déforester à la brésilienne, nous devons rester vigilants sur ce dossier. Cependant, nous sommes en concurrence avec les besoins d’une population consommatrice d’espace. Espace pour construire des maisons d’habitation, des industries qui créent de l’emploi, des infrastructures routières qui relient l’un à l’autre... C’est incontournable pour un pays comme la France qui souhaite maintenir, à fortiori dépasser, les deux points de croissance.
Pour élargir mes propos, nous devons concilier la nécessité d’artificialisation avec une production de biens alimentaires de plus en plus importante eu égard à une population sans cesse croissante. C’est un vrai challenge.

Et quid de la fonction énergétique de l’agriculture ?
On vient effectivement de la lui réattribuer en partie à cause de la rareté et de la cherté du pétrole. Je reste cependant très sceptique. Entre l’alimentation et l’énergie, ça risque de devenir difficile à gérer. Par contre, nous avons de très gros progrès à réaliser quant à la transformation des déjections animales en énergie.

Agriculture et environnement ne riment pas toujours très bien ensemble. Quel est votre point de vue ?
L’environnement, c’est comme Obélix, on est tombé dedans quand on était petit. Tout agriculteur y fait attention malgré l’image que les médias renvoient. Quand j’observe la campagne, je la trouve belle et si elle ne l’était pas, on n’en ferait pas autant pour la protéger. Cette protection ne doit cependant pas faire disparaitre ceux qui en assurent l’entretien.

La campagne est belle mais la qualité de l’eau fait débat. L’agriculture est aussi montrée du doigt sur ce plan ?
On a certes rencontré quelques situations avec des traces de pesticides dans l’eau mais nous disposons aujourd’hui d’outils d’analyses bien plus sophistiqués qu’il y a 15 ans. Cependant, la protection de l’eau est un devoir moral qui nous concerne tous.
C’est comme pour les denrées agricoles, il faut un peu de temps pour responsabiliser chacun des acteurs de la société.

Mais concrètement, que faites-vous ?
Nous sommes acteurs sur des dossiers de captage d’eau et du Conservatoire du littoral. Parallèlement avec le cheval, nous contribuons au maintien de prairies et au maillage bocager donc à la préservation du paysage. Même dans le cadre d’un remembrement, aujourd’hui nous replantons plus que nous arrachons. La restructuration foncière dans le cadre de la construction d’une autoroute n’a rien à voir avec ce qui se faisait par exemple il y a 20 ou 25 ans.

Sur le panel de vos missions, où placez-vous l’installation ?
J’ai 35 ans de métier et depuis 35 ans, ça a toujours été une priorité pour tout le monde. “Pas de pays sans paysans” selon la formule du regretté Raymond Lacombe, cela reste notre fil conducteur. Par contre, je regrette qu’il faille dépenser autant d’énergie pour installer si peu.

Comment l’expliquez-vous ?
Je comprends qu’un jeune puisse reculer devant l’énormité de l’investissement : cheptel mort, cheptel vif, bâtiments avec la mise aux normes, la maison d’habitation. Si en plus il faut y ajouter du foncier, ça devient mission impossible.

Comment retirer cette épine du pied de l’agriculture que constitue le rachat foncier?
Il suffit que le foncier génère un revenu attrayant pour les apporteurs de capitaux. Nous en avons quelques uns. Des gens que la diversification de leur portefeuille rassure. D’autres qui acquièrent au travers d’un placement foncier un territoire de chasse mais qui louent leur bien à un agriculteur. Mais rares sont ceux qui investissent dans la terre pour en obtenir un retour de 2 ou 3 %.

Mais n’y a-t-il pas un corps intermédiaire à imaginer dont la fonction serait d’acheter du foncier pour le relouer après ?
Les masses financières sont telles que c’est inenvisageable. Il n’y a que l’initiative privée qui peut résoudre le problème.

Vos moyens financiers sont-ils à la hauteur de vos missions ?
Plus de moyens nous aideraient mais la moitié de nos subventions publiques nous a été supprimée en 2007. Les missions publiques d’intérêt général, agricole, environnemental, de développement local (...), ne reçoivent quasiment plus rien de l’Etat en terme de prise en charge de leur fonctionnement. Nous faisons donc appel au marché financier, à la banque, pour fonctionner et non à l’impôt. Nous sommes, sur le plan de la gestion, une entreprise comme les autres.

Et vos moyens politiques ?
Nous sommes au service des politiques publiques. Nous sommes un opérateur foncier qui dispose du droit de préemption relativement peu utilisé ; la SAFER conduisant son activité essentiellement à l’amiable.

Pourtant quand on pense SAFER, on pense tout de suite préemption ?
Cela concerne moins de 1 % des ventes. Mais mon grand regret est de n’avoir pas obtenu le droit de préemption au bénéfice des petites communes. Les maires auraient alors beaucoup plus vite compris le travail que l’on pouvait faire. Créées en 1960 dans le cadre d’une nouvelle politique agricole, on comprend de mieux en mieux que les SAFER sont là pour assurer des services. Quant à ceux qui pensent être les laissés pour compte, ils peuvent être les bénéficiaires du lendemain. Nous remettons bien des pendules à l’heure et sommes animés du devoir de mémoire.

Comment voyez-vous les SAFER dans les 10 ans à venir ?
Les choses vont fortement évoluer sur le dossier de l’environnement. C’est une demande incontournable de la société et nous y répondrons. Sans doute avec de nouveaux outils qui restent à inventer.

Le président de la SAFER sera-t-il toujours un agriculteur ?
Les agriculteurs restent et resteront toujours le premier utilisateur de l’espace rural. Il est donc logique qu’une SAFER soit présidée par un agriculteur. La situation a cependant évolué en 40 ans. Désormais, nos conseils d’administration comprennent un tiers de collectivités publiques et deux tiers d’organisations qui ne sont pas toutes agricoles.

Et à quand une SAFER grande Normandie ?
Il faut une masse critique pour atteindre un équilibre de gestion. C’est pourquoi les SAFER, dès le départ, ont été régionales. A l’avenir cependant, il est vrai que les dossiers deviendront de plus en plus compliqués, de plus en plus juridiques et qu’il nous faudra un personnel de plus en plus pointu et rémunéré à sa juste valeur. Les petites structures éprouveront sans doute des difficultés. Quant à une structure grande Normandie, des pourparlers ont eu lieu il y a quelques années. Ils ont échoué de très peu.

Face à cette complexification des dossiers, n’est-ce pas le rôle de votre fédération nationale que de prendre le relais ?
Rien ne remplace les hommes de terrain qui vivent dans leur région. Nous ne devons pas perdre cette proximité nécessaire face à l’émiettement communal de la Basse-Normandie.
Propos recueillis par Th. Guillemot

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