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Bois énergie
Une opportunité pour pérenniser la haie bocagère

Alors que la demande de bois énergie est en forte augmentation et que selon l'étude "haie Biomasse Basse Normandie"(1), les haies représentent encore 30 % du volume de bois sur pied, la production de bois de haies a t-elle sa place sur un marché bois énergie en pleine évolution sur la région ?

Le bocage et ses haies sont un aménagement agricole et paysager mais pas seulement. Historiquement, le bocage produisait tout le bois des fermes. Il y a une vingtaine d'années, il produisait encore du bois d'œuvre scié localement et du bois bûche à hauteur de 80 % du bois consommé en Basse-Normandie. Aujourd'hui, la plaquette de bois est en plein développement car c'est une énergie très compétitive en terme économique et environnemental. Les besoins locaux sont de plus en plus importants, du fait des nombreux projets de chaufferies. La structuration de la production agricole de bois est déjà bien avancée. Les agriculteurs qui produisent du bois plaquettes s'y retrouvent économiquement et la production régionale double régulièrement surtout en fonction des commandes des collectivités locales. Alors que la demande de bois progresse, il faut s'intéresser davantage à la production des haies, mais ont-elles le potentiel ?


Plaquette de bois énergie : en plein essor

Avec le faible coût des énergies fossiles, la production de bois bûche s'est ralentie durant la période 1980/2000. Puis, l'augmentation progressive du prix de l'énergie a créé une nouvelle demande. Actuellement, la production régionale de bois bûche est estimée à 600 000 tonnes par an. Les perspectives de croissance sont limitées (1 à 2 % par an). La part spécifique du bocage n'a pas été calculée précisément. De nombreuses exploitations ne font plus leur bois directement, et la production agricole risque de stagner. Par contre, la production de plaquette de bois énergie est en plein essor. Avec les plans de gestion sur les exploitations (cubage, programme de coupes, travaux, calcul du résultat), elle est facilement prévisible, mécanisable et quantifiable. A la différence du bois bûche sa récolte et son transport se rapprochent des productions “classiques”. En plus, il reste encore des marges de progression en terme de mécanisation et de rationalisation des chantiers. Les opérateurs agricoles en place y travaillent et possèdent des références économiques. Avec la plaquette bocagère, les agriculteurs devraient donc être armés pour valoriser les haies. La filière doit cependant trouver et développer les débouchés solvables. Globalement, les projections régionales sont favorables et incitent à mobiliser davantage de bois. Selon Biomasse Normandie, les nombreux projets d'installation pourraient faire doubler la demande régionale de bois énergie. Si la production de bois des haies est bien en plein essor, elle représente cependant une faible part de l'approvisionnement en bois des chaufferies.


La demande régionale de bois énergie pourrait doubler

La consommation totale de bois plaquettes a été estimée à partir de l'observatoire régional et des études réalisées par Biomasse Normandie, à hauteur de 120 000 tonnes pour la Basse-Normandie, et seulement de l'ordre de 5 000 tonnes vient du bocage (4 à 5 %).Ce bois est utilisé par 500 chaufferies individuelles, 50 chaufferies de collectivités, et 20 chaufferies industrielles dont 17 concernent l'industrie du bois.Pour comprendre ce marché, il faut distinguer les filières d'approvisionnement en milieu rural correspondant à des chaufferies de petites et moyennes dimensions qui consomment plutôt du bois de haie et les filières industrielles équipées de grosses chaufferies qui consomment du “déchet” bois en grosse quantité et de la plaquette d'origine forestière.Alors que l'on désigne le combustible, par un terme unique “plaquette”, nous avons à faire à des produits qui diffèrent par leurs origines et leur constitution. Par exemple pour l'industrie du bois ce sont “des connexes de scieries” et pour la haie il s'agit majoritairement de sa production principale issue d'une récolte. Pour le côté “constitution” c'est la teneur en eau (le pouvoir calorifique) et la granulométrie qui font la différenceLes filières initiées pour le bois de haie sont “territorialisées” autour des chaufferies locales. Ce sont par exemple, des collectivités qui chauffent des bâtiments ou des équipements publics. Une chaufferie bois peut chauffer un ou plusieurs bâtiments grâce à un réseau. Elle est organisée en filière courte autour de structures de commercialisation qui possèdent ou qui s'équipent de plateformes de stockage (Haiecobois dans la Manche et la SCIC Bois Bocage Energie). Cette filière met en avant la gestion durable du bocage. Elle reconnaît la production bois énergie comme étant le produit principal de la haie.Le prix du bois est fixé à partir du coût de production et de la valeur du bois. Actuellement, ce prix est supérieur au prix des plaquettes industrielles. En filière courte entre 48 et 64 e/t verte livrée à la plate-forme. Selon les secteurs, selon le marché et selon la structuration locale de la filière, les plates-formes locales sont encore exceptionnelles et les producteurs stockent le bois.La production issue du bocage se distingue par des garanties sur la qualité et la provenance. Pour ce faire, les producteurs s'équipent de plan de gestion des haies. L'atout certain de cette filière est donc la valeur économique directe donnée au produit de la haie. Son point faible à moduler selon les territoires : le débouché, (vu le stock de bois et le potentiel des haies) qu'il faut développer.

Une filière dominante industrielle

Pour les grosses chaufferies, (supérieures à 500 kW) et les “fournisseurs” de chaleur, la filière d'approvisionnement est majoritairement industrielle. Le bois provient de l'industrie du bois et de la forêt. Les besoins de bois à venir sont énormes. L'observatoire régional indiquait une vingtaine de chaufferies de collectivité, en phase de construction début 2011. Le bois améliore “l’empreinte” écologique de l'industrie et présente à moyen et long terme le meilleur bilan économique. A la différence des chaudières moyennes puissances, les chaudières fortes puissances sont moins exigeantes sur la qualité des plaquettes. Du bois frais sans “séchage” peut être vendu. Les investissements correspondants sont lourds. Des garanties sur les quantités et l'évolution des prix sont exigées. Cependant, le “gisement” de récupérations des bois “déchets”, et les connexes de scieries arrivent à la fin. Cette filière intéressait peu le bocage car le niveau des prix d'achat est en dessous du prix de revient de la production bocagère. Mais les filières évoluant, les spécialistes indiquent que le besoin de bois devrait aussi faire évoluer les prix pour augmenter la part des plaquettes forestières et bocagères.

30 % du volume total de bois dans les haies

La Basse-Normandie est une région bien pourvue en haie avec un boisement agricole qui la qualifie de région bocagère, même si elle comprend aussi bien d'autres types de paysage. Avec, l'étude “Haie biomasse, Basse-Normandie” de 2010, la production de bois des haies à été réévaluée à partir d'un protocole solide de l'Inventaire Forestier National. Le recensement de 2010 confirme un linéaire total de 123 400 km même si localement on constate une baisse importante de la densité du maillage bocager.Nous constatons un boisement haie intéressant car, en plus de protéger, il produit du bois. Le potentiel de bois supplémentaire est estimé à 400 000 tonnes par an.Les haies qui produisent le bois énergie, les haies de cépées (taillis) représentent par exemple 51 000 km, soit 41 % du linéaire total. Les haies d’arbres de haut-jet représentent 38 300 km, soit 31 % du linéaire total. Près du tiers des haies mérite une attention particulière quant à la présence de ces arbres qui possèdent 3 intérêts majeurs. Par leur hauteur, ils protègent y compris par leur biodiversité, ils sont des marqueurs de paysages, et enfin ils font partie du patrimoine de la propriété avec un potentiel économique de bois-œuvre. Notez également que la longueur des haies sans volume est estimée à 12 300 kms soit 10 %. Ces haies méritent aussi une attention particulière car soit elles sont en cours de “régénération” après une coupe : il faut les protéger et les complémenter, soit elles ne sont pas boisées et l'entretien annuel est plus coûteux.

Le boisement agricole : 30 % du bois sur pied

Autres éléments de l'étude : le volume de bois des haies a été calculé. Il est de 22,8 millions de m3  (bois plein). Le boisement agricole pèse donc 30 % de volume total de bois sur pied de Basse-Normandie (46 millions de m3 pour la forêt). Les agriculteurs et les propriétaires agricoles ont donc la responsabilité de ce boisement et de sa valorisation. Ce volume est en plus dynamique puisque l'accroissement annuel calculé (ce qui peut être prélevé sans toucher le capital) est de 750 000 tonnes/an.Avec un groupe “producteurs de bois”, la Chambre Régionale d'Agriculture a estimé, à partir des récoltes de bois actuellement réalisées et de l'accroissement en volume annuel, le potentiel de bois qui pourrait être disponible et être mieux valorisé (énergie et bois d'oeuvre). Cette production potentielle supplémentaire a été estimée à 400 000 tonnes par anLes haies représentent sans conteste une “réserve d'énergie et de bois d'oeuvre”. L'étude Haie Biomasse Basse-Normandie, révèle que le boisement agricole régional ne peut pas être négligé et que la demande locale prévisionnelle de bois augmente. Les acteurs du développement agricole, les collectivités locales en partenariat avec les acteurs économiques ont maintenant bien initié la filière des plaquettes “énergie”. Les volumes produits sont en forte croissance, l'équipement en grappin et tête d'abattage des CUMA et des Entreprises de Travaux Agricoles, n'a jamais été aussi important. Il y a lieu d'être attentif à la demande de bois, et au maintien de la ressource haies. Bien sûr, pour mieux valoriser les haies, la structuration doit se poursuivre avec la mécanisation et progresser vers des “approvisionnements solvables”. Si cette jeune production se développe et s'installe durablement, alors ce sont des perspectives de revenus complémentaires, des créations d'emplois locaux, et un meilleur entretien du paysage pour les exploitations agricoles de Normandie.


(1) -Inventaire des haies de la Basse-Normandie et estimation de la biomasse (HBBN) - Defi'Nergie-DRAAF - IFN-2010

(2) - Le développement du bois-énergie en Normandie, Defi'Nergie-Biomasse Normandie octobre 2010

Contacts techniques de la filière bois déchiqueté

Calvados

- Chambre d’agriculture du Calvados Stéphane Berzinger : 02 31 70 25 34

- Fédération des CUMA Caroline Revert : 02 31 53 55 15

- La CdC de Vassy dans le Calvados : 02 31 66 23 90


Manche

- Chambre d’agriculture de la Manche Eddy Cléran : 02 33 06 49 93 - Stéphane Pestel : 02 33 06 45 19

- HAIECOBOIS Solen Le Tron : 02 33 06 45 29

Orne

- Chambre d’agriculture de l’Orne Clémence Adam : 02 33 31 49 43

- Fédération des CUMA Réjane Grossiord : 02 33 80 82 95

- SCIC Bois Bocage Energie Laurent Nevoux : 02 33 65 15 56

Laurent Nevoux, SCIC Bois Bocage Energie (Chanu-61) : un négoce durable et équitable du bois déchiqueté

5 plates-formes de stockage, 10 antennes locales, 156 adhérents et plus de 2 000 t de bois déchiqueté vendus par an... La SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) Bois Bocage Energie) est désormais bien enracinée dans la filière. Rencontre avec un de ses pionniers fondateurs, Laurent Nevoux.

L’aventure a commencé en 2006, à Chanu, petite commune de l’Orne. Le projet de remembrement local croise celui de la chaufferie à bois déchiqueté pour la maison de retraite. Une poignée de passionnés vont jouer les dénominateurs communs. Les collectivités ont besoin de se rassurer en se garantissant un approvisionnement régulier et de qualité. En face, les agriculteurs cherchent un débouché durable. C’est ainsi que naît la SCIC Bois Bocage Energie. Un outil de mutualisation au service du bois déchiqueté provenant essentiellement de l’entretien durable des haies bocagères. “Localement, ça a changé les mentalités, juge Laurent Nevoux, une des chevilles ouvrières de cette réussite. Valoriser le bois au lieu de le brûler dans la parcelle donne une autre image. On s’inscrit dans une démarche durable et environnementale”.


A moins de 10 km

Mais se chauffer au bois ne suffit pas. Encore faut-il que le combustible n’ait pas de longues distances à parcourir. Du côté de la SCIC, ça signifie “traçabilité et garantie d’une origine locale (inférieure à 10 km) pour un impact positif sur l’emploi local et l’environnement”. C’est pourquoi Bois Bocage Energie a maillé son territoire. Elle dispose de 5 plates-formes de stockage et de 10 antennes locales. “Notre philisophie est de stocker au plus près des chaufferies et que chaque territoire trouve ses propres solutions d’approvisionnement. Quant au prix, il est défini après concertation entre le producteur et le consommateur. En 2011, le bois plaquette a été acheté 48 e/t (en vert à 40 % d’humidité arrivé plateforme) pour être revendu 98 e/t (en sec 20 % d’humidité arrivé chaufferie). Ce qui laisserait une marge nette de 3 à 5 e/t pour le producteur. Certes pas la poule aux œufs d’or mais un revenu supplémentaire de 30 à 50 e/100 mètres de haie linéaires exploitables tous les 15 ans ou bien encore 120 à 200 e/ha bordés de haies . L’achat et la vente de bois déchiqueté, qui peut aussi servir de paillage au jardin ou de litière à l’étable, n’est pas le seule activité de la SCIC. Outre la gestion des plates-formes collectives et la promotion de cette énergie renouvelable, Laurent Nevoux réalise également des études de faisabilité et assure une assistance à maîtrise d’ouvrage de projets bois énergie.


Achat, vente, gestion, promotion, conseil...

Du simple particulier à la collectivité territoriale. Autant d’acteurs qui peuvent adhérer à la société coopérative. Ce multi-sociétariat présente des vertus. Il garantit une forme de commerce équitable régional. Il dynamise le Bocage tout en assurant une gestion durable de son patrimoine naturel. Il constitue enfin un lieu d’échanges, de rencontres et de réflexions... Peut-être la clé de la réussite ?

Th. Guillemot

Pour en savoir plus : SCIC Bois Bocage Energie Place de l’Eglise 61800 Chanu

info@boisbocageenergie.fr

www.boisbocageenergie.frlaurent@boisbocageenergie.fr02 33 65 15 56.

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