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Marc Deschamps (directeur général du Crédit Agricole Normandie)
Vers la contractualisation

Nous irons de plus en plus vers la contractualisation,seule façon de garantir au producteur, dans un marché libre et mondialisé, un niveau de revenu acceptable”.  Une des dernières recommandations émises par Marc Deschamps, en partance mais directeur pour quelques semaines encore du Crédit Agricole Normandie.

“Oui les Français ont commencé à se serrer la ceinture mais ils doivent se la serrer encore. Quand on voyage à l’étranger, on s’aperçoit que beaucoup d’autres pays européens, au sud comme au nord prennent des mesures beaucoup plus drastiques. Ils assainissent leurs finances publiques beaucoup plus rapidement. C’est ce que nous devons faire en France”.
“Oui les Français ont commencé à se serrer la ceinture mais ils doivent se la serrer encore. Quand on voyage à l’étranger, on s’aperçoit que beaucoup d’autres pays européens, au sud comme au nord prennent des mesures beaucoup plus drastiques. Ils assainissent leurs finances publiques beaucoup plus rapidement. C’est ce que nous devons faire en France”.
© DR

S’il a encore un pied en Basse-Normandie, Marc Deschamps a déjà posé l’autre à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Après 8 années passées à la direction générale du Crédit Agricole (version départementale puis version régionale), il rejoint son Auvergne natale, autre pays de fromages. Dernier tour d’horizon sans langue de bois.

Départ. Pourquoi quittez-vous la direction générale de Crédit Agricole Normandie ?
Je quitte la direction générale du Crédit Agricole Normandie après 8 années pour rejoindre ma région d’origine. Le Crédit Agricole, dans tous les postes que j’ai occupés, m’a beaucoup apporté. Rendre un peu de ces compétences acquises et de mon énergie à mon pays natal me paraissait quelque chose de naturel.

Réussite. Votre plus belle réussite depuis votre prise de fonction en 2004 ?
C’est la construction du Crédit Agricole Normandie avec deux sous-jacents. Un, la capacité à faire. Le Normand, c’est pas le “ptêt ben qu’oui, ptêt ben qu’non”. C’est plutôt un homme prudent qui, quand on lui a bien expliqué les enjeux, est capable de décider et réaliser de grandes choses très rapidement. Nous avons réalisé la fusion en 20 mois. Ce qu’aucune autre caisse régionale n’a fait en France.
Seconde chose, nous avons réaménagé notre réseau de 189 agences sur le même modèle. C’est un gage d’avenir et de pérennité sur notre territoire demain.

Echec. Vous reconnaissez quelques échecs ?
Oui. Par exemple, le développement sur l’agglomération de Caen. Nous l’avons commencé mais nous n’avons certainement pas mis les moyens suffisants alors que c’est aussi un gage de sécurité pour l’avenir. Il faudra sans doute accélérer ce dossier de manière beaucoup plus intensive avec un nombre d’agences nettement supérieur. Peut-être 10, 12, 15 supplémentaires sur le Grand Caen.

Confiance. Vous évoquiez, dans nos colonnes en 2008,  la crise financière. Vous aviez conclu vos propos par cette recommandation: “il faut se serrer la ceinture en attendant que la confiance revienne”. Deux ans après, les français se sont-ils serré la ceinture ? La confiance est-elle revenue ?
Oui les Français ont commencé à se serrer la ceinture mais ils doivent se la serrer encore. Quand on voyage à l’étranger, on s’aperçoit que beaucoup d’autres pays européens, au sud comme au nord prennent des mesures beaucoup plus drastiques. Ils assainissent leurs finances publiques bien plus rapidement. C’est ce que nous devons faire en France.
Pour ce qui est de la confiance, elle est revenue dans certains secteurs. L’automobile marche nettement mieux. L’agriculture et l’agroalimentaire n’ont pas failli à leur tache d’exportations. L’immobilier repart tout doucement... Il reste cependant du chemin à parcourir. 

Politique. Et du côté de la confiance politique, RAS ?
Il y a une incompréhension de nos compatriotes français mais ils se mobilisent plus contre la méthode que sur le réel dossier de la réforme des retraites. Chacun sait qu’il faut réformer si l’on veut que toutes les générations, y compris les plus jeunes, puissent percevoir une pension décente.

Trésorerie. Vous avez une vue quasi exhaustive de l’économie agricole régionale. Après les crises à répétition touchant toutes les productions, dans quel état sont les trésoreries des agriculteurs ?
Aujourd’hui, l’agriculture et les exploitations agricoles ne vont pas beaucoup plus mal qu’avant. Les crises sont désormais à répétition, plus courtes mais, sauf exception, d’une ampleur plus forte.
Parallèlement, je l’avais dit il y a deux ans et je le redis aujourd’hui, il faut s’habituer à une volatilité des prix agricoles extrêmement importante. Quand vous conjuguez ces deux paramètres, que sont “crises” et “volatilité”, les exploitations agricoles risquent d’être plus fragiles demain. 
Mais il est des productions qui ne posent aujourd’hui pas trop de problèmes.
Je pense aux céréales mais aussi au secteur laitier qui se porte un peu mieux grâce à l’accord du mois d’août. Par contre, d’autres productions souffrent terriblement comme les vaches allaitantes, le porc. Je pourrai y ajouter la conchyliculture avec le problème de la mortalité des naissains. 

Gestion. Quelles stratégies de gestion adopter avec cette nouvelle donne ?
Il y a trois préalables incontournables. Un, nous irons de plus en plus vers la contractualisation. Seule façon de garantir au producteur, dans un marché libre et mondialisé, un niveau de revenu acceptable. Le mot fait peur aujourd’hui mais n’oublions pas que “quota laitier” était aussi un gros mot il y a 30 ans. Deux, les marchés à terme. Le Crédit Agricole travaille sur des produits financiers comme des couvertures sur les marchés à terme qui, lorsqu’ils sont bien utilisés c’est-à-dire à but non spéculatif, apportent un réel plus à l’agriculture.
Je pense enfin que la gestion des crises, entre syndicats et pouvoirs politiques en place, doit également évoluer.

Racine. Vous êtes ingénieur agricole de formation. Ce cursus et profil terrien, qui vous ont permis d’accéder à la fonction de dirigeant d’une caisse régionale de la Banque Verte. Ne risquent-ils pas de se faire doubler par des itinéraires de formation beaucoup plus ad hoc et financiers ? Le Crédit Agricole ne risque-t-il pas de perdre peu à peu ses racines ?
Je ferai une réponse en deux temps. J’ai d’abord toujours veillé, dans les caisses que j’ai dirigées et mes anciens patrons avaient ce même réflexe, à ce qu’il y ait des agronomes ou des agro-économistes dans le comité de direction.
Ensuite, je reste persuadé que le mélange de ces ingénieurs agronomes avec des économistes de Paris Dauphine, des maîtrises de science-éco, des autodidactes (...), nous permet de mieux approcher la réalité que les autres.

Mutualisme. Le Crédit Agricole revendique haut et fort son mutualisme. Comment défendez-vous ou traduisez-vous au quotidien cette valeur ?
C’est sans doute plus une question à poser au président mais je suis effectivement un dirigeant de coopérative. Je suis mutualiste, humaniste. Ça signifie quoi ? Que nous faisons notre métier de banquier et d’assureur différemment. Nous faisons la même publicité et disposons de collaborateurs formés à la même école que les autres mais nous avons, par exemple, une approche du contentieux différente. Avant de faire saisir une maison pour impayés, on passe devant 5, 6, 7 comités. Ça peut durer 10 ans. Chez mes confrères banquiers, et sans que je leur reproche, le traitement est plus rapide. En 3 mois, votre maison peut être vendue.
Autre particularité, nous faisons confiance aux hommes et aux territoires. Territoires que nous devons développer car nous y sommes attachés avec des limites géographiques et ça change tout. Nous cultivons tout notre terrain mais rien que notre terrain. C’est pourquoi nous labourons plus profond. 
C’est la raison pour laquelle nous sommes plus proches de nos clients et sociétaires. Nous les connaissons mieux.Certes, nos conseillers dans les agences bougent beaucoup. On nous le reproche mais la vie sociétale a changé. Le travail à deux par exemple obligent bien souvent les couples à plus de mobilité pour se rapprocher l’un de l’autre. On doit en tenir compte dans la gestion des ressources humaines et l’organisation de l’entreprise.

Daniel Epron. Vous avez fait équipe toutes ces années avec Daniel Epron. Un tandem qui a bien fonctionné ?
J’ai démarré dans le Calvados avec le président Durocher qui m’a accueilli et je l’en remercie. J’ai ensuite déroulé le chantier de la construction de la fusion avec notre président honoraire Lebrun. J’aurai donc fait équipe avec Daniel Epron 4 années environ qui s’achèveront le 31 décembre prochain.  Pour répondre à votre question, nous avions une vision de l’entreprise identique sinon nous n’aurions pas pu bien sûr travailler ensemble. Cette vision, c’est que l’entreprise doit constamment s’adapter pour ses sociétaires et ses clients. Vous ne pouvez pas être une entreprise de services aujourd’hui et ne pas vous adapter à la demande. Je prends un exemple. On m’a reproché bien souvent de déshumaniser nos bureaux au profit des plateaux téléphoniques, les agences en ligne comme on les appelle. Savez-vous qu’au moment de la fusion, le mardi qui est notre plus grosse journée, il y avait 500 appels/jour. Aujourd’hui, en pointe, nous en traitons 7 500/j. Croyez-vous que si les clients avaient trouvé ce service aussi déshumanisé, ils l’auraient fait progresser à ce niveau là ? En l’occurence, nous avons répondu à une demande de nos clients. Mais la problématique de la gestion du changement interpelle toujours. Cette vision, je la partageais avec le président Epron. Nous n’avions donc pas de problèmes métaphysiques de collaboration au sein de cette belle entreprise. 

Dimension. Le Crédit Agricole Normandie, c’est aujourd’hui trois départements ? La bonne dimension pour affronter demain ?
C’est la bonne dimension aujourd’hui et pour les dix prochaines années avec deux atouts majeurs. Le premier, c’est que nous épousons la région administrative. C’est plus facile à gérer par rapport à la représentation et à nos interlocuteurs des collectivités territoriales. La question pourrait se poser s’il y avait une Grande Normandie. Encore faut-il que cette grande Normandie existe et qu’on assiste pas à un éclatement des services publics tel que j’ai pu le lire dans quelques papiers, ça me paraitrait une très mauvaise chose pour notre région.  L’autre atout et même si cela a fait couler beaucoup d’encre, c’est la décision de ramener les services experts à Caen au détriment d’Alençon et de St-Lô. On met la caisse régionale au diapason de nos caisses départementales telles que nous les avions connues il y a une dizaine d’années. Un site unique et un réseau fort de 55 directeurs d’agences directement rattaché à la direction régionale. C’est une question de performances. Je pense que c’est une arme de guerre considérable pour la pérennité de l’entreprise. Finalement, on a fait une grande boucle pour revenir à ce que nous savons bien faire : délégation des personnes et responsabilisation des hommes.

Gouvernance. A quoi devra ressembler la gouvernance de Crédit Agricole Normandie en 2020 ?
Elle devra évoluer. Il faudra que nos conseils soient plus représentatifs de l’ensemble des couches de la clientèle. C’est une orientation que nous avons dèjà entamée. Il n’y a pas que des agriculteurs. Quand on ouvre les conseils à des catégories socio-professionnelles très différentes, on s’enrichit plus qu’on ne se détruit. Second axe de travail : le renouvellement des générations avec pour conséquence un sociétariat demain qui ne ressemblera pas à celui d’aujourd’hui et encore moins à celui d’hier.
Enfin, au travers de nos caisses locales, il nous faudra être encore plus présents sur le terrain et apporter la preuve de notre utilité à un territoire. Nous menons beaucoup d’actions locales (plus de 1 200 chaque année) mais nous ne communiquons pas assez sur ce sujet. Nous accompagnons de nombreuses associations sur le territoire bas-normand. Nous sommes présents, à côté des jeunes, sur les terrains de football le mercredi, le samedi, le dimanche. Nous sommes de très longue date un partenaire du Haras du Pin mais nous intervenons aussi modestement auprès d’acteurs locaux qui ont aux tripes la défense de leur territoire... C’est aussi ça le sociétariat. Il faudra donc le faire vivre au niveau de la gouvernance en y associant les forces vives de nos territoires. 

Kerviel. Quel a été votre sentiment à l’énoncé du verdict dans le procès Kerviel/Société Générale ?
Je n’ai pas à commenter une décision de justice mais je ferai seulement une remarque. On ne peut pas, à ce niveau de dossier, penser un seul instant que cet homme a agi seul. Un dirigeant d’entreprise peut être en proie au doute. Il peut avoir peur. Mais la première de ses qualités, c’est de couvrir et d’assumer la responsabilité des agissements de l’ensemble de ses collaborateurs. Je pense que ça n’a pas été le cas avec l’ancien directeur de la Société Générale.

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