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Xavier Beulin (Président de la FNSEA) : « Il faut un pacte de confiance entre les agriculteurs et la société »

llll Président de la FNSEA depuis 2010, Xavier Beulin a publié le 3 janvier « Notre agriculture est en danger. Ce qu’il faut faire » aux éditions Tallandier, un ouvrage dans lequel il détaille les solutions qu’il propose pour donner des perspectives à une agriculture française de qualité, mais trop souvent délaissée par les politiques et de plus en plus méconnue des citoyens. L’agriculteur revient également sur son parcours et sur les responsabilités qui ont forgé sa vision. S’il se livre difficilement sur sa vie personnelle, ce travailleur acharné, amoureux de la vitesse (il pratique notamment la moto) et passionné de cuisine, milite pour un discours plus positif sur la production agricole française et sur ce métier qu’il n’a pas eu le temps de choisir, ayant repris l’exploitation familiale à 17 ans, au décès de son père. Un métier qui mérite davantage de reconnaissance mais aussi de confiance de la part des politiques comme des consommateurs.

© Actuagri

>> Pourquoi avoir écrit ce livre ?
D’abord pour interpeller les politiques. J’ai été surpris et même déçu que, pendant la primaire de la droite et du centre, personne ne parle d’agriculture alors que le secteur pèse 15 % de l’emploi en France et 8 à 10 milliards d’euros d’excédent commercial. Et lorsque l’on en parle, on la présente de manière très binaire, avec d’un côté une agriculture industrielle, productiviste et qui aurait accès aux marchés mondiaux, et de l’autre une agriculture de proximité forcément vertueuse. Sortir des clichés est une nécessité ! Quand les politiques aujourd’hui évoquent l’agriculture, c’est toujours avec compassion, voire lamentation. Ils sont pris entre la nostalgie et le discours véhiculé par certaines ONG médiatisées, qui leur donnent le sentiment d’être à contre-courant des attentes sociétales. Ils ont tout de même une certaine conscience de ce que représente le secteur en matière d’économie, d’emploi, d’identité au territoire, conscience aussi que la France décroche par rapport à ses voisins européens, tout en ayant des difficultés à assumer cette agriculture et ses potentialités. Il faut avoir un discours positif, en particulier sur la diversité agricole. J’essaye de rassembler dans ce livre un certain nombre de propositions pour répondre à la situation actuelle.

>> Pouvez-vous nous dire quelques mots de ces propositions ?
Au niveau européen, la France doit être plus présente à Bruxelles qu’elle ne l’est aujourd’hui. Mais il faut aussi adapter l’agriculture française, en la dotant notamment d’un véritable statut : si on fait une analyse rapide au niveau national, on se rend compte que l’on est l’une des dernières corporations à ne pas disposer d’un statut. Aujourd’hui, pour être agriculteur, il suffit d’avoir un numéro de sécurité sociale à la MSA, c’est un peu léger ! Derrière ce statut, il s’agit de professionnaliser le métier d’agriculteur, mais aussi et surtout de protéger les plus faibles et les plus vulnérables. L’actualité nous donne raison là-dessus, car malheureusement un certain nombre d’exploitants ne pourront pas continuer l’activité, et en cas de faillite ou de dépôt de bilan, les biens personnels ne sont pas protégés. La dimension fiscale constitue par ailleurs un gros sujet. Il nous faut un outil moderne pour lutter contre les aléas et la volatilité, avec une fiscalité qui ne serait plus calculée annuellement mais sur plusieurs années. Il y a un autre point sur lequel j’insiste : la modernisation à la fois des exploitations et des filières. Je reprends ici un des chiffres mis en avant par Arnaud Montebourg lorsqu’il était ministre du Redressement productif : il faut injecter 6 milliards d’euros entre la production agricole et la transformation pour moderniser. Parallèlement à tout cela, un débat de fond doit porter sur la recherche, l’innovation, la mise à disposition des technologies du numérique et du digital, de la robotique, toute une modernisation qui permettra de répondre de mieux en mieux aux défis de la performance économique, environnementale, de la gestion de l’eau, des ressources naturelles, du changement climatique...

>> Vous proposez ainsi de dépasser les normes pour aller vers un contrat avec les agriculteurs ?
Il faut sortir en France d’une vision purement législative et règlementaire pour aller vers un contrat, un pacte de confiance avec les agriculteurs. On a souligné une phrase qui dans mon livre risque d’être polémique, celle où je critique à la fois le dirigisme de la gauche et le libéralisme de la droite. Il s’agit surtout d’une formule pour faire réagir. Je ne suis ni pour l’un ni pour l’autre. L’agriculture a besoin d’un cadre car elle est soumise tantôt au climat capricieux, tantôt aux maladies ou aux vicissitudes des marchés. Elle a besoin de dispositifs et d’outils d’intervention. Mais, pour autant, il ne faut pas tomber dans l’excès inverse. Il faut aussi faire confiance aux acteurs. Quand on évoque la biodiversité, l’équilibre des ressources naturelles, la protection de l’eau, du sol, il faut plutôt réinjecter de la science, du savoir, de la confiance au lieu de tout faire passer par des lois et des décrets. La France a toutes les capacités en ce domaine, avec l’Inra, les instituts de recherche, les Chambres d’agricultures, les coopératives… Nous avons l’un des dispositifs de recherche agricole les plus développés au monde. C’est un enjeu de prospérité et de qualité.

>> Est-ce également un élément du contrat que vous voulez passer entre agriculteurs et citoyens ?
Oui, il faut leur faire connaître ces atouts et être plus pédagogique. Il y a aujourd’hui un paradoxe assez flagrant, relevé à plusieurs reprises, notamment par l’Observatoire des prix et des marges, qui indique que le marqueur prix reste déterminant dans l’acte d’achat au quotidien, alors que l’on veut garder de la spécificité, de la différenciation, une large gamme dans la plupart des grandes productions… Il faut retisser des liens pour partager, avec les citoyens mais aussi les intermédiaires, un objectif à partir duquel on accroche une valeur. Car il est difficile d’avoir à la fois les prix mondiaux ou même européens, et la qualité, l’exigence, des produits d’origine française. Le travail mené par la FNSEA puis par Stéphane Le Foll auprès de Bruxelles sur l’étiquetage va dans le bon sens. J’espère que le consommateur pourra librement faire ses choix et acceptera de payer quelques centimes supplémentaires en échange des garanties associées à l’origine France.

>> On imagine, à la lecture de votre histoire personnelle que vous évoquez au début du livre, d’où vient votre volonté d’avancer et d’agir. Est-ce la nécessité d’être à la hauteur très jeune qui a permis et motivé votre engagement professionnel ?
Je m’autorise à m’exprimer à travers ce livre car je pense avoir acquis, à travers mon engagement professionnel, une expertise, un regard sur l’agriculture française, sur les enjeux internationaux. Mais je tire aussi mon expérience de deux éléments qui ont influencés ma vie. Ma famille d’agriculteurs, d’abord, d’autant qu’avec le décès de mon père quand j’avais 17 ans, je suis très vite passé d’un âge insouciant à un âge adulte… Etant l’aîné de quatre enfants, vous imaginez les responsabilités que cela implique. Le deuxième élément, c’est d’avoir eu cette capacité de rencontrer, à la fois chez les Jeunes agriculteurs, à la FNSEA, chez Avril, des gens de très grande qualité qui vous aident à faire votre propre opinion, à confronter les réflexions, en particulier Jean-Claude Sabin, mon prédécesseur à la tête de Sofiprotéol. C’est par l’argumentation, la confrontation, le dialogue, et la recherche de points de convergence que l’on parvient à faire avancer les choses et porter des idées.

>> Vous évoquez dans votre livre les nombreux déplacements que vous avez fait sur le terrain. Si vous ne pouvez qu’être touché, en tant que paysan, par les situations difficiles, en quoi cela permet-il au président de la FNSEA d’avancer ?
La première responsabilité des dirigeants quels qu’ils soient, c’est d’abord l’écoute. D’où l’intérêt et la nécessité de faire beaucoup de déplacements sur le terrain, en dehors des assemblées générales et autres réunions bien sûr, pour prendre en compte toute la complexité de l’agriculture française, la diversité des productions, et toutes ces situations particulières qui nécessitent des réponses particulières. Il faut être au contact pour comprendre les enjeux qui peuvent être différents d’un territoire à l’autre. Quand vous ajoutez à cela le fait que, comme disait Jean-Michel Lemétayer, dans l’agriculture il y a un coup de feu tous les jours, cela nous force à être exigeants. La FNSEA est une maison exigeante, au niveau des administrateurs, des administratifs, et pour ce qu’elle produit et propose.
Je le redis d’ailleurs dans le livre, nous sommes devenus définitivement un syndicat de solutions. Dans la plupart des sujets à traiter, certes les revendications et les manifestations sont toujours de bons arguments pour le syndicalisme, mais nous sommes de plus en plus dans la négociation, avec des arguments toujours plus complexes et techniques. Ce qui suppose que l’on arrive avec une capacité d’ouverture et d’écoute pour ensuite mieux convaincre.

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