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Apiculteur de luxe
Il fait le miel des grands chefs

A Bellême (61), l’apiculteur Patrick Cholet a reçu le Prix Lebey du meilleur producteur. Une reconnaissance qui distingue un travail exigeant, à la fois avec les plus grands chefs, mais aussi avec les agriculteurs. Portrait.

PATRICK CHOLET - RUCHES
Patrick Cholet devant ses ruches à Bellême (61). Chaque année, l’apiculteur sélectionne les vingt meilleures ruches pour leur génétique.
© DR

Pour rencontrer Patrick Cholet, il faut prendre son temps. Parce que l’homme a eu plusieurs vies avant d’arriver là où il est, qu’il aime le raconter, et parce que dans son parcours, « rien n’est dû au hasard ». Il faut remonter le temps avec lui et le revoir patron d’auto-école à Sées (61), propriétaire d’un magasin de moto, commercial puis directeur commercial dans le secteur de l’huile de moteur, dans le groupe Gulf notamment au côté de son dirigeant qui lui « a appris à se remettre en question ». Patrick Cholet a plus de 50 ans quand il crée, en 2015, Les Cadres Noirs Percherons, son entreprise apicole à Bellême (61). Il quitte son emploi, réunit sa famille - l’un de ses fils est naturaliste - et explique ce virage : il veut donner du sens à ce qu’il fait.

Faire ce qu’on a envie

L’apiculture est un métier agricole qui ne nécessite pas de reprendre des études. Après des stages chez des apiculteurs, il se lance : « j’ai mis tous mes deniers personnels dans cette boîte ». Il s’accroche, mais en 2018, il s’épuise. Reconnu par les Disciples Auguste Escoffier, et par le Collège Culinaire de France, ils lui permettent de se rendre à Monaco au Chefs World Summit pour rencontrer des chefs et leurs faire goûter ses miels. Il a un coup de cœur pour Christian Garcia, chef du Palais princier et Pascal Barbot, et s’accroche. Il revoit le chef de l’Astrance à Paris avec son miel et réussit à le convaincre, c’est le renouveau. Depuis, il séduit de nombreux chefs français et internationaux. Inventif, il crée un miel à la fleur de carotte puis au safran. « Je crois qu’on doit faire ce qu’on a envie à l’instant T. Il ne faut rien regretter. ‘J’aurais dû’, c’est nul », tranche l’apiculteur. Avec Mickaël Marion, le chef étoilé de l’Intuition à Saint-Lô (50) en 2019, il inaugure le miel des chefs. « Je mets des ruches chez eux, je leur fais leur propre miel », retrace Patrick Cholet : avec Arnaud Viel, de la Renaissance à Argentan (61), il crée le « Val de l’Orne », puis le « Claude M’Honey » avec David Gallienne, sacré top chef 2020 et étoilé du Jardin des plumes de Giverny (27), et « le miel des Sables Rouges » avec Guillaume Foucault étoilé du Pertica de Vendôme (41). « Les chefs ont besoin d’une personne authentique », observe Patrick Cholet.

Prix Lebey

La reconnaissance est officielle le 28 septembre lorsqu’il reçoit le prix Lebey du meilleur producteur ou artisan 2020 décerné par le guide des meilleurs restaurants d’Île-de-France. Son secret, Pierre-Yves Chupin, directeur général des éditions Lebey, le résume, « Patrick Cholet cherche toujours à s’améliorer, à inventer des saveurs et des techniques nouvelles. Son travail exigeant est salutaire ». Quand il a appris par sa compagne, qu’il avait reçu le prix Lebey, l’apiculteur était « en train de galérer, je récupérais des ruches qui étaient tombées dans l’eau », se souvient-il. Il a été ému, « j’en ai chialé pendant deux jours. Tout ça, c’était la récompense de toutes ces heures de travail et de sacrifices, c’était comme les Oscars ». Il comprend que c’est Pascal Barbot qui a glissé son nom pour la nomination, face au jury, son miel a fait le reste. Son miel et sa personnalité. « Ce qui nous a plu, lui glisse un juré, c’est que tu racontes bien ce que tu fais et que c’est une très belle histoire ». L’apiculteur s’enorgueillit, « J’ai classé mes miels comme des vins et je fais les choses à fond et avec le cœur ».

Apiculteurs et agriculteurs associés
Conscient du problème de mortalité des abeilles, Patrick Cholet collabore dès la première année de son installation avec une vétérinaire. Ils observent ses ruches et analysent chacune des causes incriminées. Il se rend compte que le problème de stérilité des mâles est numéro un.
Pour remplacer ses 25 à 30% de ruches qui meurent chaque année, dont 6 % en hiver, il élève des reines : « en fin d’année, je sélectionne 20 ruches qui correspondent le mieux à mes critères, douceur, tenue sur cadre, productivité, etc. » Sur les 500 qu’il élève, seules 300 sont effectivement fécondées. Il change aussi cinq à six cadres par ruche par an, parce que « ça stocke les pollutions ». Ses ruchers sont disséminés autour de Bellême dans une trentaine de sites, « une quinzaine d’agriculteurs, des particuliers et des collectivités locales », révèle-t-il.
Concertation
Nicolas Tison, agriculteur à Saint-Fulgent-des-Ormes, a rencontré Patrick Cholet sur un marché et travaille avec lui depuis environ quatre ans. Membre du GIEE agriculture écologiquement intensive du Perche, il a « l’envie de faire mieux et avec tout le monde », et travaille sur l’amélioration de la biodiversité. Avec Patrick Cholet qui place des ruches sur ses parcelles, il apprend « plein de petites choses pas compliquées à faire » : implanter du linier dans les parcelles de colza pour nourrir les abeilles freinées par les hybrides, ou encore appeler l’apiculteur avant de traiter. « Toute cette concertation entre nous prouve que chacun peut avoir son activité sans impacter l’autre. On démontre qu’on peut vivre avec une agriculture conventionnelle et des abeilles ». C’est aussi le credo de Patrick Cholet qui s’adapte en fonction des besoins des agriculteurs : « au moins on se parle. On ne se voit pas comme des ennemis mais comme des associés ».
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